La défense au tarot
Quelques idées préconçues
Êtes-vous de ceux qui s'appuient sur des principes trop rigides dans le jeu de défense au tarot ? Si c'est le cas, nous allons essayer de dégonfler (ou du moins relativiser) quelques-uns de ces principes qui ont la couenne dure à la table.
1- Jouer atout contre une poignée ?
Lorsqu'on essaie de faire couper le preneur, le but qu'on cherche à atteindre est soit de le déborder, soit d'obtenir des surcoupes ou des uppercuts fructueux. Quand aucun de ces objectifs n'est atteignable, chercher la coupe devient une option beaucoup moins intéressante. Imaginons un preneur avec la main suivante :
21-20-19-18-17-12-11-9-8-6-3-2-1
7-6-5-3-2
-
-
-
Certains défenseurs, à la vue de la poignée, penseront qu'il est urgent de trouver la coupe alors qu'en fait il est inutile de chercher la coupe. La seule possibilité intéressante pour la défense contre cette main est de tirer profit d'une éventuelle mauvaise répartition des .
Quel serait votre plan de jeu si vous étiez le preneur? Vous vous dépêcheriez de donner les perdantes bien sûr, sans toucher aux atouts. Vous ne voudriez pas que des défenseurs courts à puissent défausser des points, mais plutôt qu'ils coupent inutilement vos perdantes.
Si c'est à l'avantage du preneur de ne pas toucher aux atouts, la défense n'a peut-être pas intérêt à collaborer avec lui ! Dès que le preneur montre la double poignée, une seule ligne de jeu est possible pour la défense: atout à fond, en souhaitant que le preneur aura quelques perdantes dans les couleurs, sur lesquelles il sera possible de défausser. Par exemple, si les sont répartis 5-2-2 ou 5-3-1 en défense (répartitions assez fréquentes du reste). Note: mon exemple est évidemment extrême, mais je voulais montrer une main d'attaque contre laquelle la défense ne peut rien espérer. Ceci dit, des mains d'attaque moins puissantes peuvent aussi se qualifier pour une défense atout à fond.
Une dernière chose, ne transformez pas cet exemple en règle absolue! Jouer atout systématiquement contre les poignées n'est pas un meilleur principe que chercher la coupe systématiquement contre les poignées. Rappelez-vous ce vieux proverbe japonais:
La fin des certitudes donne des fleurs magnifiques.
2- Le défenseur placé devant doit faire les ouvertures ?
On l'entend souvent, celle-là ! Les partisans de cette théorie voudraient que le défenseur devant le preneur ouvre les couleurs une après l'autre comme un robot, au point où il devrait ouvrir une nouvelle couleur même lorsque le preneur coupe déjà 2 couleurs ! Ils méconnaissent que le tarot est un jeu dynamique où les temps perdus à entamer dans les couleurs secondaires ou les reprises de main du preneur peuvent coûter chers. Pour notre part, nous préférons les principes suivants pour le défenseur placé devant :
Suivre la ligne de jeu proposée par les partenaires si on a pas une bonne raison de désobéir. Ce principe n'interdit pas d'essayer un petit tarot en 2 pour 1 (avec un atout pair si possible), surtout si la première entame a promis une main forte (qui devrait donc pouvoir tolérer un retour atout). Évidemment, le 2-pour-1 n'est possible que si la défense a déjà trouvé la coupe du preneur.
Chercher la coupe du preneur si la première entame n'a pas fait mouche. L'obéissance aveugle n'est pas obligatoire non plus et il n'est donc pas interdit de switcher pour trouver la coupe, surtout quand il n'y a pas de main forte affichée en défense.
Si personne ne s'est signalé comme main forte et que le preneur pousse une longue qui est tenue par la défense, un jeu d'atout peut être une option intéressante. Surtout si vous estimez que le preneur coupe une couleur où vous détenez par exemple R-D-x ou R-D-C-x.
En fin de partie, il faudra peut-être songer à dégager vos partenaires d'une éventuelle remise en main plutôt que de renvoyer machinalement dans la coupe (en gros, une remise en main est une fin de coup qui obligera un de vos partenaires à entamer à son désavantage, par exemple d'une couleur où il détient D-x vers un preneur qui détient R-C, perdant ainsi 2 levées et la dame).
3- Jouer dans la longue du preneur ?
Voici un autre principe du tarot défensif qui souffre plusieurs exceptions, la plus connue étant le retour dans la longue du preneur pour sauvetage du petit en défense. Ce coup est souvent surestimé par certains joueurs qui entament systématiquement une couleur courte avec le petit vulnérable en main. Bien qu'il soit parfois justifié de le tenter, ce coup est risqué pour plusieurs raisons:
- Le preneur n'avait pas l'intention de chasser et vous lui avez gentiment procuré un ou deux tempo qui vont lui permettre de déborder la défense.
- Vous avez entamé votre doubleton du fond pour tomber dans R-C-V-x-x-x chez le preneur, lui donnant une impasse gratuite et faisant prendre la dame seconde de votre partenaire. Tellement agréable !
- Vous sauvez un petit qui était pris, mais le preneur passe quand même un contrat qui aurait chuté sur une défense "atout à fond avec don du petit au preneur". Eh oui, ça arrive. La preuve? La prochaine fois que vous serez preneur avec une main de ce type :
Ex-21-20-19-18-10-6-3-2
x-x-x-x-x
x-x-x
x
-
Vous allez probablement (et sagement) jouer sur les piques, avec l'intuition que vous allez chuter si vous tirez les tarots maîtres, même en prenant le petit.
Un peu d'imagination…
Il existe des cas où le retour dans la longue du preneur est un coup jouable, sans que le sauvetage du petit soit en cause. Par exemple, pour essayer de faire en coupe un petit tarot que le preneur serait venu chercher dès qu'il aurait repris la main. Exemple :
Main du preneur :
21-11-10-9
-
-
-
D-1
Votre main :
19-8
D
x-x
-
2
Le preneur joue le 11 d'atout pour votre 19. Résumé de la situation :
- Vous êtes placé devant le preneur.
- La longue du preneur est trèfle. La dame est affranchie mais pas le petit trèfle puisqu'il y a encore 2 cartes de trèfle chez un de vos partenaires.
Le preneur a 2 perdantes dans son jeu, une à trèfle et une à l'atout, qu'il vient de concéder. Si vous retournez ou pour le faire couper, il va extraire votre dernier tarot avant de concéder la perdante sur laquelle vous ne pourrez même pas charger puisqu'il vous reste une carte dans cette couleur.
C'est donc une situation idéale pour lui retourner le petit trèfle au lieu de le faire couper, un retour qu'il va trouver très désagréable ! Comme il reste un petit tarot en défense et que le preneur ne sait pas où il se trouve, il y a de bonnes chances qu'il n'ose pas monter de la dame pour risquer la coupe. Il va donc jouer petit et votre partenaire va prendre la main. Il ne reste plus qu'à souhaiter qu'il ait compris la manœuvre et qu'il retourne son dernier trèfle pour faire couper la dame du preneur et ainsi valoriser votre dernier tarot.
Éviter la remise en main
Une autre situation où il peut être intéressant de retourner dans la longue du preneur, c'est lorsqu'on veut éliminer une reprise de main qui nous forcerait à faire une entame défavorable. Par exemple, dans cette fin de coup:
Main du preneur :
21-19
R-C
5
-
-
Main du défenseur :
20-18
D-x
R
-
-
Le défenseur a l'entame et la longue du preneur est . Si le défenseur veut faire sa dame de , il doit absolument encaisser le roi de avant de remettre le preneur en main par l'atout. S'il omet de le faire et se contente de jouer le 20 d'atout, le preneur n'aura qu'à encaisser son dernier tarot puis sortir par le 5 de pour recevoir l'entame qui condamne la dame.
Le point important à considérer est que dans une situation de fin de coup où les 2 joueurs détiennent des cartes organisées en fourchette, l'entame n'est pas un avantage. Au contraire, le joueur qui entame perd systématiquement des levées. Il vaut donc mieux encaisser les reprises de main, surtout quand l'encaissement de la reprise de main ne coûte pas de levées (comme le roi sec de l'exemple précédent).
Coup de la "Baie des Cochons"
Finalement, un coup spécial appelé "Baie des Cochons" est un retour dans la longue du preneur qui a pour seul but de donner l'entame aux partenaires afin que ceux-ci renvoient dans la coupe où on a un atout maître pour acheter la levée. Le coup donne un tempo au preneur en échange d'une levée de qualité. Le coup est tellement inhabituel qu'il doit alerter les partenaires de la présence d'un atout maître à valoriser dans la coupe du preneur. Il faut donc faire confiance à l'auteur du coup et envoyer tous les points disponibles dans la coupe.
Modifié: 02/05/2024
Tous droits réservés. © 2002-2024 F. Constantineau